Par
Selma JERIBI
Université Paris-Saclay (Evry Val d’Essonne), France
La France a toujours entretenu, en matière d’arbitrage, avec le continent africain des liens forts et dynamiques. Elle continue, encore aujourd’hui, à nourrir ce partenariat qu’on peut qualifier de vigoureux et privilégié. En effet, cette relation particulière explique le fait que Paris soit souvent choisis comme siège de l’arbitrage mais surtout que la reconnaissance et l’exequatur des sentences rendues au sein du continent africain soit souvent demandées en France.
Cependant, ce choix est loin d’être laissé au hasard en ce qu’il détermine un certain nombre de conséquences juridiques essentielles tels que les juridictions compétentes pour statuer sur un éventuel recours en annulation de la sentence arbitrale. Il fixe, également, la possibilité pour la sentence d’être exécutée en vertu de la Convention de New York ; celle-ci revêt une importance considérable en ce qu’elle poursuit un but d’harmonisation des règles régissant la reconnaissance et l’exécution des sentences étrangères.
L’attractivité de la France quant à l’exécution de la sentence arbitrale s’explique par sa spécificité relative à l’autorisation de la reconnaissance et l’exécution d’une sentence étrangère, même si celle-ci a été annulée dans son pays d’origine. En effet, comparé à d’autres pays, la position française est favorable à l’arbitrage international.
En particulier dans le célèbre arrêt Hilmarton (Cass. 1re civ., 23 mars 1994, n° 92-15.137), la Cour de cassation française a affirmé, pour la première fois, que « la sentence rendue en Suisse était une sentence internationale qui n’était pas intégrée dans l’ordre juridique de cet État, de sorte que son existence demeurait établie malgré son annulation et que sa reconnaissance en France n’était pas contraire à l’ordre public international ». Autrement-dit, si une sentence étrangère a été annulée, celle-ci peut tout de même être exécutée en France, dès lors qu’elle remplit les conditions d’obtention de l’exequatur dans l’ordre juridique français.
Une autre illustration tout à fait stupéfiante est venue renforcée cette position. Il s’agit l’arrêt Putrabali (Cass. 1ère ch. civ., 29 juin 2007, premier arrêt n° 05-18.053) qui affirme un principe selon lequel « la sentence internationale n’est rattachée à aucun ordre juridique ». Elle constitue « une décision de justice internationale dont la régularité est examinée au regard des règles applicables dans le pays où sa reconnaissance et son exécution sont demandées ». Ainsi, si une sentence a été annulé par les juridictions du pays du siège de l’arbitrage, ceci ne fera pas obstacle au fait qu’elle puisse être exécutée en France. Cette décision consacre une certaine autonomie de la sentence internationale.
Cette solution se fonde notamment sur l’article VII-1 de la Convention de New York qui permet, en effet, à la partie qui demande l’exequatur d’une sentence de se prévaloir des dispositions plus favorables à l’exécution de la sentence de la loi de l’État requis que celles prévues par la Convention elle-même. Autrement-dit, on peut se prévaloir des règles d’un pays plutôt que celles de la Convention de New York, dès lors qu’elles sont plus favorables aux parties.
De plus, un autre arrêt rendu par la Cour de Cassation (Cass. civ 1re, 17 oct. 2000, n°98-11776) a confirmé, concernant une sentence arbitrale prononcée à Dakar, que les règles régissant la reconnaissance et l’exécution sont à la fois applicables aux sentences arbitrales internationales et aux sentences rendues à l’étranger. Le caractère interne ou international étant indifférent, selon la Cour de Cassation.
En résumé, l’annulation d’une sentence internationale ou étrangère ne constitue pas un cas de refus d’exécution en France.
Cette solution libérale contraste avec celle concernant les sentences rendues en France puis annulée par les juridictions étatiques françaises. Celles-ci ne bénéficient, évidemment pas, de cet avantage. En effet, l’article 1504, alinéa 2, du code français de procédure civile précise que le recours en annulation emporte de plein droit recours à l’encontre de l’ordonnance d’exequatur ou dessaisissement du juge de l’exécution quand celui-ci ne s’est pas encore prononcé. Ainsi, si l’exequatur a été accordé elle sera annulée à l’occasion du recours en annulation.
En conclusion, le choix de la France comme siège de l’arbitrage ne permettra pas aux pays du continent africain de bénéficier de cette solution avantageuse qu’est la reconnaissance et l’exécution de la sentence en dépit de son annulation. En revanche, s’ils choisissent d’exécuter la sentence rendue à l’étranger en France, ils pourront profiter de cette exécution alors que celle-ci a été annulé dans le pays du siège de l’arbitrage.